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Jerome Lindon
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Court roman de l'absence, de l'effacement, du dérisoire apparent, Mentir donne l'occasion à un lointain narrateur à la mémoire incomplète d'évoquer sa propre enfance. Est-ce la sienne du reste ? On ne saurait le dire avec précision. Un seul personnage, la mère, va et vient dans une sorte de perpétuel ennui. Mais cet ennui, curieusement, semble fait d'anciens souvenirs qui désagrègent le quotidien. Le temps s'arrête, dirait-on. La mère, du pré à la chambre, cherche l'un ou l'autre objet, prépare une valise, annonce son prochain départ. Souvent, le narrateur rapporte ces menus événements, à la fois grandioses et inexistants, d'un ton détaché, monocorde. Et l'on serait amené à croire que tout cela lui importe peu, si l'on n'avait pas la certitude qu'il mentait. Dès les premières pages, l'on sent qu'il feint l'indifférence. La profusion même des détails qu'il donne le trahit. Il s'obstine à répéter la même phrase, à la transformer à peine, pour la reprendre telle quelle. Pourquoi s'acharne-t-il à observer le personnage du récit ? C'est qu'il livre le portrait, à la fois flou et minutieux, de sa propre mère qu'il tente de comprendre au-delà de son amour présent, en une sorte de remontée du temps.
Mentir serait la pitoyable biographie d'une femme très ordinaire qui cherche à sortir d'elle-même, qui s'invente une panthère comme compagne, rêve de Smolensk ou de Santander. À moins qu'il ne s'agisse de l'épopée d'une fabuleuse héroïne.
Mentir est paru en 1977. C'est le premier texte d'Eugène Savitzkaya aux Éditions de Minuit et son premier roman. -
Le livre de Jonas tient une place exceptionnelle dans la liturgie juive. Il est en effet lu publiquement à la fin de Yom Kippour, ce jour du Grand Pardon qui est la principale des solennités du calendrier. Et pourtant, rien ne semblait désigner à un tel honneur ce court texte consacré à l'un des douze « petits prophètes ».
Le livre de Jonas comprend quatre chapitres. Le premier et le troisième rapportent l'histoire, sans doute très ancienne, mais bien peu édifiante, d'un prophète récalcitrant. Sommé par Dieu d'aller prêcher Ninive, il s'empresse de s'embarquer sur un navire qui va dans la direction opposée. Mais, à la suite d'une soudaine tempête, les matelots rejettent Jonas à la mer ; il est alors avalé par un grand poisson (la fameuse « baleine » de Jonas), qui le dépose sur un rivage d'où il gagne Ninive et accomplit finalement la mission dont il était chargé.
Le deuxième chapitre - la prière de Jonas dans le ventre du poisson - est un psaume, également très ancien, que nous connaissons surtout dans sa traduction latine : le De Profundis.
Quant au quatrième chapitre, dont la rédaction est beaucoup plus récente (probablement du IIe siècle avant l'ère chrétienne), il raconte une mystérieuse histoire de « ricin » dont personne à vrai dire n'a l'air aujourd'hui de comprendre la véritable signification.
Or il paraît clair que c'est ce quatrième chapitre, justement, qui vaut à Jonas sa place éminente dans l'office de Kippour. Greffé par les Docteurs de la loi sur les deux sources légendaire et poétique précédentes, il pourrait bien illustrer pour la première fois la situation des juifs après la destruction du Temple de Jérusalem. Une situation qui n'a pas changé fondamentalement depuis vingt-six siècles.
Dernier livre de l'Ancien Testament, à la jonction du sacré et du profane. Jonas serait tout simplement le Livre de la judaïté moderne.